«Dignité et justice pour tous» : telle est la devise choisie par les Nations unies pour la commémoration du soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l"homme. En effet, le droit au respect de la dignité a été juridiquement consacré après la Seconde Guerre mondiale. Ce fut d"abord le cas en droit international, notamment dans la Charte des Nations unies (26 juin 1945), la Déclaration universelle des droits de l"homme (10 déc. 1948) ou encore le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (16 déc. 1966). En droit interne français, la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication a d"abord envisagé la dignité de façon très générale.
Puis, dans le Code pénal de 1994 (issu des lois du 22 juillet 1992), un (nouveau) chapitre (V) — au sein du livre II concernant les « crimes et délits contre les personnes » —, a été consacré aux « atteintes à la dignité de la personne » ; les infractions qui y sont regroupées sont hétérogènes : le proxénétisme, la discrimination, les actes de bizutage organisé, la violation de sépulture, les conditions de travail ou d"hébergement contraires à la dignité de la personne humaine.
Enfin, l"article 16 du Code civil, issu des lois bioéthique du 29 juillet 1994, indique que la loi interdit toute atteinte à la dignité de la personne. Ces lois ont été l"occasion de la constitutionnalisation du principe de dignité. En effet, le Conseil constitutionnel, en se fondant sur le Préambule de la Constitution de 1946, a imposé comme principe à valeur constitutionnelle « la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d"asservissement et de dégradation ».
Le concept de dignité de la personne humaine a donc été, assez récemment, consacré par le droit positif ; la doctrine s"y est rapidement intéressée. Il apparaît comme un « principe matriciel», non démontré, mais duquel découlent des conséquences juridiques. Cependant, cette notion est loin d"être nouvelle. Sur le long terme, le sens du mot « dignité » a connu une double évolution. Avec le passage de la philosophie classique (aristotélo-thomiste) à la conception moderne (jusnaturaliste et positiviste) du droit, la dignité de la personne (au sens de persona) s"est transformée en dignité de l"homme (I). Puis, au sein du système juridique moderne, la dignité relevant d"abord de l"ordre public a été relativisée et subjectivisée (II).
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Guillaume Bernard
Docteur en droit (HDR), maître de conférences à l"IEP de Paris, chargé de cours dans l"enseignement supérieur privé